L'AMOUR

« Au septième étage »

Jelly, au hasard de ses déambulations, me retrouve au « café Maubert ». Le temps du plaisir de nous revoir, la durée de boire un coup, d’échanger quelques nouvelles, et je décide de changer de lieu en urgence. Je gravis la rue de la Montagne Sainte-Geneviève jusqu’à la place de la Contrescarpe, et m’installe à la brasserie La Chope. Mes finances sont comptées et il me faut arriver à valider mon style graphique « gommiste », en offrant à Brigitte un dessin de deux moitiés de visages qui en forme un seul. Ce tableau sera l’icône flamboyante de notre amour. J’explique à l’homme assis sur la table jouxtant la mienne, l’importance de la gomme qui devient entre mes doigts un instrument de musique ou une gouge à effacer l’obscur. 


Un vertige m’oblige à fermer les yeux quelques instants pour récupérer. Brigitte arrive, je dépose devant elle notre portrait. Debout et en déséquilibre, elle se penche vers moi, sa main s’appuie de tout son poids sur l’œuvre, elle m’embrasse et s’assied. Après avoir bu un café, elle repart sans penser à s’encombrer de mon cadeau. Elle est juste venue me donner rendez-vous pour cette nuit. À minuit, elle m’ouvrira le vasistas du toit de sa chambre au septième étage. Son comportement me désempare, car elle a oublié mon offrande.


Calculer comment atteindre sa chambre discrètement est maintenant la priorité de mes pensées. Dans le silence de la nuit, au niveau d’une des sorties de la station de métro Raspail, je traverse le cimetière de Montparnasse pour me retrouver devant son immeuble. Un échafaudage accoté au bâtiment mitoyen, en cours de ravalement, me facilite l’escalade jusqu’à son vasistas. Rapidement, je me retrouve à plat ventre sur le toit, les doigts crochés sur le rebord de la lucarne. De l’autre côté de la vitre, Brigitte est debout et admire son voltigeur. Elle m’invite à descendre pour la rejoindre et le grand mystère de l’amour nous enlace sous un ciel étoilé.